CHAPITRE X

La réunion proposée par l’agent spécial eut lieu le surlendemain au début de l’après-midi. Le temps était maussade, une nouvelle série d’orages avait éclaté pendant la nuit, laissant derrière elle un plafond bas et gris d’où tombait une pluie fine et obsédante. Nils arriva le premier. Aldren vint l’accueillir sur le terre-plein devant le porche ; les deux hommes n’étaient pas encore entrés dans la villa quand un second ramp franchit l’entrée du domaine, vint s’arrêter à son tour. Borgar, dûment prévenu comme promis, n’avait visiblement pas voulu être en retard à ce rendez-vous qui, de son propre aveu, excitait tellement sa curiosité. Il rangea son véhicule passablement boueux et cabossé à côté de celui du commissaire, sourit à Aldren qui se précipitait pour l’aider à descendre.

— Vous êtes sûr que je ne serai pas de trop ? s’inquiéta l’entomologiste en lui serrant la main.

— Au contraire ! Vous êtes le seul à vous être soucié de nous et de notre sort depuis le début de cette affaire, il est indispensable que vous assistiez à son dénouement. Je ne vous présente pas le commissaire, vous vous connaissez déjà…

Le chef inspecteur arriva quelques minutes plus tard ; refusant le bras secourable tendu, il tint à gravir seul les marches en s’aidant de sa canne. Les traits de son visage trahissaient encore la dure épreuve qu’il avait subie mais les soins diligents du corps médical lui avaient rendu ses forces, et son regard avait retrouvé toute sa vivacité. Il accepta néanmoins avec soulagement le fauteuil que lui offrait Vancia en bout de table ; les autres s’installèrent à leur tour, Borgar s’asseyant discrètement un peu à l’écart. Aldren se tourna vers Karyl.

— Je veux avant tout vous exprimer la joie que j’éprouve à vous revoir vivant et presque en bonne santé puisque votre fracture ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Pourtant il s’en est fallu de peu que vous n’y restiez, n’est-ce pas ? Vous avez risqué gros. Mais vous méritez aujourd’hui toutes nos félicitations. Vous avez réussi à liquider le reste de la bande…

— Je le crois. Mais je déplore que les circonstances ne m’aient pas permis d’agir différemment. Si mon rov n’avait pas été abattu et moi-même blessé, je ne me serais pas trouvé dans un tel état d’infériorité vis-à-vis de ces deux Jiirs. Je n’aurais pas été obligé de les tuer en légitime défense ; j’en aurais capturé au moins un et nous l’aurions fait parler ensuite. J’ai été pris au dépourvu…

— Vous ne pouviez pas agir autrement, mon vieux. Sans compter que, dans cette histoire, tous les ennuis ont été pour vous. D’abord à la cabane du lac où vous vous êtes fait proprement endormir et réexpédier à domicile comme un simple colis. Ensuite cette seconde mésaventure où l’on vous a tiré en plein vol comme un pigeon ! Moi aussi j’aurais été fou de rage et ma première réaction aurait été de liquider tout ce qui bougeait, que ce soit des hommes, des chevreuils ou des lapins.

— Merci de votre compréhension. Malgré tout, je n’aurais pas dû perdre ainsi mon sang-froid et je ne me le pardonnerai jamais.

— Mais si, vous verrez… Faisons maintenant le compte du tableau de chasse : un dans la cabane du lac, cause du décès inconnue mais probablement surpris lui-même par l’excessive rapidité de l’incendie qu’il avait provoqué. Deux, le vilain qui avait voulu enlever Vancia et c’était sans doute le même qui vous avait momentanément mis hors course. Trois et quatre, ceux que vous avez proprement descendus. Vous pensez qu’ils formaient la totalité de l’équipe ?

— Dans une expédition de ce genre, on n’envoie pas un régiment. En outre, même s’il y en avait eu un ou deux de plus, où seraient-ils maintenant ? intervint Nils. Nous avons mis la main sur la totalité de leur matériel, y compris leur second véhicule, d’éventuels survivants seraient condamnés à errer dans les forêts inhospitalières du reste de la planète, ils n’auraient plus d’autre destin que mourir de froid et de faim ou se rendre. Pour ma part, j’estime que le seul problème sérieux qui se pose maintenant ne les concerne plus eux mais un autre disparu : Max Jensen. Ce que vous êtes venu chercher ici, Aldren, c’est le dossier de l’invention de Waldo aux fins de l’enregistrement légal ; telle est votre mission officielle, non ? Le collaborateur du physicien est le seul qui puisse reconstituer pour vous les éléments nécessaires et vous m’avez affirmé ici même avant-hier que vous saviez où il se trouvait. Allez-vous enfin vous décider à sortir cette carte de votre manche ?

— C’est ce que je vais faire sans plus tarder. Au cours des premiers jours, je me suis posé beaucoup de questions à ce sujet et j’avoue que j’ai été souvent tenté d’y répondre de la même façon que notre ami Karyl, c’est-à-dire en fonçant tête baissée vers ce qui semblait le plus évident au lieu de faire travailler mes petites cellules grises, comme disait un célèbre détective de l’Antiquité préspatiale. Seulement je suis un homme pondéré ; à force de cogiter, il m’est venu une idée lumineuse. Tout reprendre non pas depuis le début mais un peu plus haut et faire procéder à une petite vérification. La réponse est arrivée par retour du courrier, vous l’avez vous-même tenue entre vos mains, mon cher Nils.

Aldren tira de sa poche l’hypergramme transmis par le commissaire, le posa sur la table.

— Tout est là, il suffit de savoir comment le lire. Le début d’abord : « je vais mieux ». Prenez les initiales de ces trois mots, ainsi que la finale du troisième : J.V.M.X. ou si vous préférez : Jensen, Vancia, Max. Ensuite, un peu plus loin, le nom du docteur : « Nysko ». Il ne faut pas un grand effort d’imagination pour le traduire par Nya-Skandia, la planète où se trouve la fameuse Université Linné. Conclusion : la jeune et très adorable personne qui se trouve présentement parmi nous ne mentait pas en affirmant qu’elle venait de là-bas et n’était arrivée qu’après le drame du laboratoire. Elle nous avait seulement caché que son second prénom était l’abrégé de Maxime. C’est nous-mêmes – moi le premier d’ailleurs – qui avons jugé que ce patronyme était obligatoirement masculin alors qu’il peut aussi bien être féminin. Quand Karyl et moi avons rencontré Vancia, nous lui avons immédiatement demandé si elle avait un frère ; elle a sauté sur la perche involontairement tendue et répondu par l’affirmative. N’est-ce pas, chérie ? Tu te trouvais d’emblée devant une affaire si complexe et si embrouillée que tu as instinctivement réalisé que tu pouvais toi-même te trouver en danger ; la suite l’a d’ailleurs bien prouvé. Ta meilleure réaction de défense était de nous faire croire que tu avais bien un frère jumeau. C’était lui le collaborateur de Waldo, mais tu ignorais ce qu’il était devenu, à nous de le chercher… Tu étais bien tranquille, personne n’avait la moindre chance de mettre la main dessus puisqu’il n’existait pas…

— Tu avais donc tout deviné ! Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? Parce que tu te méfiais toujours de moi ?

— Un peu, bien sûr, mais ça ne changeait absolument rien en ce qui nous concernait tous deux. Même si tu étais légèrement aventurière sur les bords, je n’en serais pas moins tombé amoureux de toi ; tu faisais du reste tout ce qu’il fallait pour me faire perdre la tête en déployant au grand complet l’arsenal de la séduction.

— Dame ! Je te sentais sur tes gardes et j’avais tellement envie de toi ! Je n’allais pas laisser passer l’occasion qui se présentait lorsque Karyl a disparu en nous laissant seuls dans la nature. J’étais amoureuse de toi, c’était bien mon droit de faire en sorte que tu le sois de moi, non ? Et comme je savais très bien où se trouvait le vrai chalet…

— Tu m’y as traîtreusement entraîné…, soupira Aldren.

Ses lèvres dessinèrent un baiser aussitôt répercuté par la jeune fille, tandis que sa main ramassait le câble d’un geste apparemment machinal et le faisait disparaître sous sa veste ; il était inutile d’insister sur sa traduction, en particulier la signature « tante Sheila » trop évocatrice du terme ultra-secret de « trouble shooter ». D’ailleurs Nils avait encaissé le choc sans broncher et reprenait la parole.

— Si je m’attendais à ça ! Max était… ou plutôt n’était pas… Mais alors, puisqu’il n’y avait que Vancia et qu’elle poursuivait ses études à je ne sais combien de parsecs d’Anésia, elle ne pouvait pas être en même temps l’assistante de Waldo ! En outre elle n’est pas physicienne mais naturaliste ! Elle ne sait rien des secrets de l’invention !

— Pas elle, évidemment. Il ne reste plus qu’un seul personnage qui puisse me venir en aide maintenant. Un homme qui, plus que tout autre connaît le dossier dans ses moindres détails pour l’excellente raison qu’il en est l’auteur. Karyl, vous vous êtes trompé sur le compte des espions jiirs ; ils étaient cinq et non quatre. Le numéro un de la bande a été incinéré dans le four crématoire du labo et ses restes calcinés reposent dans le cimetière d’Anésia. Sous une dalle de marbre portant le nom de Waldo…

Cette affirmation pouvait difficilement produire l’effet d’un coup de tonnerre ; l’hypothèse que ce premier cadavre impossible à identifier ne soit pas celui du célèbre physicien était toujours demeurée dans le domaine du possible, surtout à partir du moment où les documents apportés par Aldren révélaient l’existence d’un nommé Max Jensen, très proche collaborateur du savant. Ç’aurait donc pu être lui la victime de l’explosion ; seulement il se trouvait maintenant que ce Max-là n’avait été qu’un ectoplasme fabriqué de toutes pièces par une erreur d’interprétation de texte complétée par l’imagination d’une jeune fille. En outre on avait découvert la présence de ces maudits Jiirs qui venaient fort à propos s’ajouter dans le tableau : la conclusion de l’agent spécial en devenait beaucoup trop logique pour faire l’effet d’une bombe. Tout au plus d’un pétard qui fit à peine sursauter les auditeurs. Karyl réagit presque aussitôt.

— Waldo serait effectivement vivant ? Si vous en êtes tellement certain, nous devrions en déduire qu’il s’est caché parce qu’il se sentait menacé… Il peut réapparaître, maintenant, il ne risque plus rien. Vous savez certainement où il se trouve, Aldren, vous semblez trop sûr de vous pour ne pas avoir encore ce maître atout dans votre jeu. Sortez-le ! Appelez Waldo et invitez-le à se joindre à nous !

— Je vais essayer. Seulement, c’est une chose que je ne puis faire tout seul, il faut que quelqu’un consente à m’aider. Vous, par exemple, Borgar, fit-il en se tournant brusquement vers l’entomologiste silencieusement assis dans son coin et qui avait paru jusqu’alors presque se désintéresser de la conversation. Vous étiez au tout début de cette affaire en tant que plus proche voisin du domaine ; c’est grâce à vous que les autorités ont été alertées sans retard. Vous avez alors affirmé avoir été réveillé par la déflagration mais peut-être en réalité ne dormiez-vous pas ? Peut-être étiez-vous accoudé à la fenêtre de votre chambre, attendant patiemment le jaillissement du champignon de feu qui allait illuminer la nuit anésienne ? Et si j’ai raison, ça veut dire que vous étiez au courant de tout, que Waldo n’avait aucun secret pour vous. Par conséquent, il n’y a que vous qui puissiez le persuader de revenir.

Le visage impénétrable, Borgar se leva, inclina légèrement la tête.

— D’accord, fit-il. Mais à une condition : vous devez être avec moi pour que Waldo accepte de se montrer. Vous et personne d’autre.

— Je comprends. Vous convient-il que nous allions dans son bureau ? Il y a un autre poste téléphonique là-haut, et par-dessus le marché une porte insonorisée…

Les deux hommes gravirent l’escalier, longèrent le couloir jusqu’au bout, s’enfermèrent dans le sanctuaire. Sans manifester la moindre intention de s’approcher du communicateur, Borgar s’arrêta au milieu de la pièce, commença tranquillement à se déshabiller pendant qu’Aldren l’observait avec un aimable sourire.

— Vous avez dit tout à l’heure que vous aviez besoin de mon aide, commenta l’entomologiste en achevant de retirer son ultime vêtement. En fait, c’est moi qui demande la vôtre. Vous savez déjà pourquoi, n’est-ce pas ?

— Il m’aura fallu pas mal de temps pour y arriver, mais c’était finalement la seule explication pour tout le reste. Où est le point d’ouverture ?

— En haut de la nuque, sous les cheveux. Une toute petite plaque circulaire commande la démagnétisation.

L’agent spécial découvrit sans peine le point indiqué, le pressa en le faisant pivoter d’un demi-tour et le dos de Borgar s’ouvrit verticalement jusqu’à la ceinture, laissant apparaître la seconde peau, la vraie, et qui était blanche. Ensuite Aldren se conforma aux indications de son patient, fit basculer en avant la noire perruque, écarta le pseudo-épiderme bistré pour dégager les épaules l’une après l’autre, décolla le visage, dépouilla en douceur le corps entier. L’opéré compléta lui-même le travail en retirant ses verres de contact teintés puis en extirpant du fond de sa bouche les résonateurs destinés à modifier totalement le timbre de sa voix. Le nouveau personnage extrait de sa chrysalide remit de l’ordre dans ses cheveux blonds à peine grisonnants, fixa sur Aldren ses yeux très bleus pétillants de malice.

— Il m’aurait fallu près d’une heure pour y arriver tout seul, cette peau artificielle est tellement ajustée qu’elle fait pratiquement corps avec la vraie. Je ne sais pas s’il vous est déjà arrivé de porter un semblable déguisement ? demanda Waldo.

— Pas encore. Mais je vous promets d’y penser à la première occasion. Pendant que vous vous rhabillez, je peux poser une question ?

— Bien sûr ! Je n’ai plus de secret pour vous.

— Pourquoi aviez-vous choisi une pigmentation aussi brune et des cheveux aussi noirs pour votre camouflage ? Ça vous donnait presque l’apparence d’un Jiir. Cette fâcheuse ressemblance a bien failli un moment m’entraîner vers de fausses déductions.

— J’avais seulement cherché à être aussi méconnaissable que possible ; ce n’est qu’après coup que je me suis avisé de ce fâcheux détail. Il était trop tard pour fabriquer une autre enveloppe ; du reste j’ai vite trouvé la situation plutôt amusante… Une autre question ?

— Oui. Votre but était de disparaître si complètement que personne ne pouvait plus douter de votre mort mais en même temps le moyen que vous avez employé vous permettait de demeurer sur place et de suivre de près les événements. Ça veut dire que vous aviez des raisons de vous méfier de tout le monde. Pourquoi pas de moi ? Car enfin c’est bien vous qui m’avez sauvé en tuant le gorille dans le défilé ? Les patins de votre ramp portent encore les traces de cette argile d’un rouge très caractéristique que je n’ai rencontrée que là-bas… À propos, les ramps ne sont pas faits pour circuler dans la forêt, vous aviez donc trafiqué le vôtre pour en faire un glisseur à long rayon d’action ?

— Ça fait trois questions et non une, contra le physicien avec un rire de bonne humeur. À la première, je réponds oui ; quand il s’agit de mettre la main sur une invention capable de rapporter des sommes astronomiques, tout le monde est suspect. Oui également à la troisième, c’est bien moi qui ai liquéfié le cerveau de votre agresseur, j’ai d’ailleurs presque failli arriver trop tard. Incidemment, j’avais aussi tué l’autre, celui dont vous avez vu le corps dans l’abri de pêche du lac. Il était sur place lorsque mon rov en pilotage automatique programmé a intempestivement amené Vancia sur place. Il s’était caché derrière la cabane en voyant le rov atterrir, moi j’étais sous les arbres. J’ai eu peur pour elle et je me suis servi de ma carabine laser. Dès que le rov a redécollé, j’ai fourré le corps sous le hors-bord et j’ai mis le feu au bâtiment. Plus tard, après la découverte officielle du cadavre, je l’ai jeté dans le lac. Je voulais bien offrir une piste à la police mais il était bon de la couper tout aussitôt ; ces gens-là ont professionnellement des œillères. Ils auraient vite conclu à un simple vagabond et auraient refermé le dossier.

— Et puis vous aviez encore envie de vous amuser… Mais vous n’avez pas répondu à la deuxième question.

— Comment ce brave Borgar qui ne bougeait guère de sa villa – qui du reste est bien la mienne comme celle-ci et me sert souvent de retraite – pouvait être au courant de vos allées et venues en compagnie de Vancia, suivre vos mouvements et en conclure que, bien que vous ne soyez pas le type même de l’honnête bureaucrate sans envergure, on pouvait malgré tout vous faire confiance ? Je vais vous le dire, mais je vous prie de rester calme. Vous n’avez pas oublié le médaillon de Vancia ? Le boîtier contient à son insu un micro-émetteur… Le récepteur est dans ma poche sous la forme d’une banale calculatrice…

Aldren rougit violemment. Waldo leva la main d’un geste apaisant.

— Rassurez-vous !… Je suis d’un naturel curieux mais pas indiscret ; j’ai toujours coupé le circuit quand la conversation devenait trop intime. Il me suffisait de savoir que vous étiez aussi amoureux d’elle qu’elle de vous, il y a des accents qui ne trompent pas un vieux renard comme moi. Nous redescendons ?

Cette fois, le retour des deux hommes dans le living provoqua une véritable stupeur. Nils et Karyl s’attendaient à tout, sauf à la subite métamorphose d’un noiraud basané en Scandinave bon teint. Quant à Vancia, elle jaillit littéralement de son siège pour atterrir dans les bras de Waldo et l’embrasser fougueusement.

— C’était donc toi ! Pourquoi ne m’as-tu jamais rien dit ? Je me faisais tellement de mauvais sang !

— Tu savais pourtant que j’étais bien vivant ? Je t’avais écrit avant ton départ de Linné pour te dire de ne pas t’inquiéter à mon sujet quoi qu’il arrive. Messieurs, ajouta-t-il en se tournant vers le commissaire et son adjoint, je vous présente ma nièce et filleule Max.

— Ainsi nommée en hommage posthume à Max Planck ? fit Aldren.

— Et à Maxwell. Les deux plus grands physiciens de tous les temps ; mes confrères et moi-même ne faisons que suivre leurs traces. Pour moi, Vancia est Max et comme elle est mon unique héritière, c’est sous ce prénom que, par pur réflexe d’habitude, je l’ai désignée comme ayant droit à part égale aux redevances de mes brevets. Une participation établie de mon vivant vaut tellement mieux qu’un héritage après ma mort, l’État ne pourra pas en mettre les trois quarts dans sa poche comme il se serait empressé de le faire si c’était vraiment moi qui étais mort dans le feu d’artifice. Malheureusement l’idée ne m’était pas un seul instant venue que l’ambiguïté du patronyme entraînerait toutes ces complications et finirait par mettre Vancia en danger, alors que je voulais précisément faire en sorte qu’elle demeure à l’écart jusqu’au bout.

— En tout cas elle n’est pas votre assistante, déclara fermement Nils. Ses droits pourraient être contestés.

— Je ne l’ai jamais qualifiée ainsi ! Appelez-la mon inspiratrice ou le soutien de mes vieux jours… Pouvez-vous me citer l’article du code qui interdit à un poète de partager ses droits d’auteur avec sa muse ? Du reste, sur le plan scientifique, nous avons réellement un point commun : l’entomologie m’a toujours passionné. Elle me sert de dérivatif chaque fois que je me heurte à un problème difficile, je retourne alors dans ma seconde villa pour me plonger dans mes collections en laissant mon inconscient de physicien travailler tout seul. C’est parce que Max, je veux dire Vancia, était désespérément nulle en mathématiques mais en revanche remarquablement douée pour les sciences naturelles que je l’ai envoyée à l’Université de Linné. Le domaine voisin est régulièrement inscrit à son nom et pas à celui de ce pauvre Borgar dont l’existence aura été bien courte. Elle y sera désormais chez elle, son propre laboratoire l’y attend. Savez-vous par exemple que les écailles des ailes de papillons sont des cellules solaires à très haut rendement ? Simple détail entre des centaines d’autres qui vous prouvera qu’une naturaliste peut réellement être la collaboratrice d’un physicien.

Après cette mise au point juridiquement nécessaire, Waldo exposa de façon concise mais claire les raisons qui l’avaient poussé à agir comme il l’avait fait. Grâce à ces innombrables liaisons avec tous les physiciens de la Fédération et en particulier lors des congrès, il avait découvert que les dirigeants de l’Empire de Jiir s’intéressaient d’un peu trop près à ses travaux. Ce genre de haute spéculation présente en général le grave défaut d’éveiller beaucoup plus l’attention des militaires que celle des civils. L’invention de la poudre a permis de créer l’artillerie bien avant qu’elle ne serve pour les travaux publics. La découverte de la structure de l’atome a permis de fabriquer des bombes capables d’anéantir des populations entières, sa domestication comme source d’énergie n’est venue qu’après et presque à regret. Le célèbre computeur de navigation hyperspatiale élaboré par Waldo lui-même avait en premier lieu équipé les nefs armées des Forces Spatiales, ensuite seulement les vaisseaux du commerce et les liners. Alors que penser de celle-ci dont le principe énoncé dans la prise de date laissait entrevoir d’aussi fantastiques possibilités ! Le transfert pratiquement instantané de l’énergie à n’importe quelle distance, ça permet sans doute de construire des navires de l’espace dont la totalité de la coque serait disponible pour les passagers et les marchandises puisqu’ils n’auront plus besoin de grands générateurs à fusion pour alimenter propulseurs et sustentateurs, mais ça va encore mieux pour des missiles de guerre dont la charge destructrice ne représenterait plus seulement vingt pour cent de la masse mais quatre-vingt-dix pour cent. Ou mieux encore qui pourraient eux-mêmes refléter l’énergie reçue pour la renvoyer sur l’objectif visé et le détruire sans parade possible… On a beau avoir signé un pacte de non-agression et demeurer dignement retranché dans ses constellations, ce genre de statu quo ne tient aussi longtemps que les forces sont égales de part et d’autre. La possession d’une aussi énorme supériorité peut tout changer et ce ne serait pas la première fois.

Sachant que les espions jiirs étaient nombreux dans les Planètes Unies, Waldo avait donc décidé de tendre son piège en déclarant officiellement la nature du brevet qu’il proposait. Le résultat ne s’était pas fait attendre longtemps : il avait pris la forme d’un simple coup de téléphone. Un inconnu se déclarait prêt à lui acheter et lui offrait en contrepartie le versement comptant d’un milliard de crédits. Une somme vertigineuse ! L’équivalent du budget annuel d’Hipparia du Centaure et, par-dessus le marché, le tentateur laissait entendre qu’il pourrait éventuellement faire mieux s’il le fallait… Qui pourrait résister à une pareille proposition ? Comme il se devait, Waldo hésita quelque peu, finit par accepter un rendez-vous chez lui pour le surlendemain seulement, car des obligations antérieures l’obligeaient à s’absenter le soir même.

— Le correspondant anonyme a sauté sur l’occasion pour venir s’emparer lui-même des documents en économisant ainsi la somme promise, sourit Aldren. Comme vous aviez réellement quitté votre domicile et même pris la précaution de programmer votre rov pour qu’il décolle vers votre chalet du lac et ne revienne que le lendemain, le type était certain que le chemin était libre. Il s’est rendu tout droit dans votre laboratoire pour s’y approprier vos notes de calculs et… Comment a-t-il déclenché le détonateur ? En ouvrant la porte ?

— Non. C’était plus sûr si le cambrioleur se trouvait à l’intérieur. J’avais laissé toute une pile de paperasses sur une table, le contact se trouvait au milieu. Il était relié au générateur à fusion dont j’avais enlevé les sécurités ; un centième de seconde a suffi pour que l’appareil s’emballe. De toute façon j’avais l’intention de démolir ce laboratoire pour reconstruire à la place un autre plus moderne, celui-là commençait à être un peu décadent.

— Vous aviez aussi placé une bombe dans le bureau de la villa ?

— Dans le cas où il aurait commencé sa visite par là. Mais ça, ça m’aurait vraiment ennuyé. Borgar est revenu débrancher cette petite grenade nucléaire dès le lendemain. Des perquisitions immobilières étaient inévitables et je ne voulais pas être la cause d’un accident fâcheux…

Le récit de Waldo s’arrêta là. Le reste de l’aventure, sa participation directe aux événements, Aldren la savait déjà, et les autres n’avaient pas besoin de la connaître. Pour Nils et Karyl, tout était désormais suffisamment clair dans son enchaînement ; l’équipe des espions jiirs était seule responsable de l’incendie de la cabane dû très probablement à des causes accidentelles, puisque l’un des leurs y avait perdu la vie. Idem pour la mise hors circuit momentanée du chef inspecteur. Le troisième brigand avait été tué par Aldren au cours d’un combat régulier et les deux derniers abattus par Karyl. L’affaire était close. Telle fut la conclusion du commissaire. Toutefois, quand il l’eut exprimée, Waldo reprit la parole.

— Je tiens encore à préciser un détail, émit-il d’une voix suave. Ainsi que je vous l’ai dit, mon seul but était d’échafauder un piège capable de décourager pour longtemps certains individus trop curieux. Un piège où tout était faux. De simples illusions. Y compris l’appât lui-même. Aldren, lorsque vous enverrez votre rapport au Bureau des brevets, vous pourrez leur dire d’annuler ma lettre de prise en date. Cette invention dont je faisais état n’existe pas. J’ai effectué des recherches poussées dans cette voie, c’est exact, mais j’ai seulement obtenu la preuve que c’était une impasse. Si quelqu’un réussit un jour à canaliser les baryons en les animant de vélocités hyperluminiques, je suis totalement incapable d’imaginer comment il fera. En tout cas ce n’est sûrement pas pour demain…

Cette fois ce fut enfin le véritable coup de tonnerre. Le chef inspecteur bondit dans son fauteuil, retomba avec une grimace de douleur en se massant la jambe. Le commissaire haussa démesurément les sourcils pendant que sa mâchoire inférieure retombait en sens inverse ; Aldren se statufia pendant quelques secondes. Il n’y eut que Vancia-Max pour ne manifester d’autre réaction qu’un froncement de sourcils vite effacé. Sa voix fut la première à rompre le pesant silence.

— Si un savant comme toi affirme que la chose est impossible, murmura-t-elle, celui qui prouvera le contraire n’est pas prêt de naître ! Mais la lettre où tu prétendais avoir réussi était pourtant bien de toi ?

Aldren avait déjà repris son calme. Il se tourna vers la jeune fille avec un sourire plein d’humour.

— Mais voyons, chérie, n’est-ce pas évident ? Il fallait amorcer le poisson, l’attirer dans la nasse. Donc lui offrir un appât exceptionnel auquel il ne pourrait résister. De la part de tout autre que Waldo, ça n’aurait jamais marché, mais sa réputation de super-physicien est telle qu’on ne pouvait mettre en doute son affirmation. Moi aussi j’ai marché comme les autres. Pas marché, mais foncé vers Anésia. Avec la même précipitation que celle des espions jiirs.

— Ce n’était donc qu’une pure chimère…, émit Nils en reprenant son souffle. Une fiction qui n’était plausible et convaincante que parce qu’elle émanait de vous mais qui n’était qu’un leurre. Certes votre mystification a atteint son but mais quand je pense que nous nous sommes tous démenés pour du vent ! Karyl a bien failli y laisser sa peau. Et pas seulement lui, mais aussi Aldren, sans compter votre propre nièce. Pourquoi n’avez-vous pas monté votre machination sur une autre planète qu’Anésia ? Nous sommes un monde paisible, ce genre d’aventures est très désagréable.

— Croyez bien que je déplore d’avoir ainsi troublé votre quiétude, fit Waldo. Cependant réfléchissez, cher commissaire. Le dossier convoité ne pouvait se trouver ailleurs qu’ici puisque j’y réside. En outre aucun terrain n’est aussi favorable que celui d’Anésia ; d’abord à cause de ses lois. Votre très généreux respect de la liberté individuelle fait que personne ne demande de comptes à personne et que n’importe qui peut se promener n’importe où sans qu’on lui demande ni ses pièces d’identité ni les raisons de sa présence. C’est un territoire idéal pour les espions. Ajoutez de surcroît que les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de la planète sont vierges et pratiquement inhabités, sauf par des amoureux de la nature farouchement décidés à ignorer ce qui peut se passer dans les environs de leurs ermitages, l’opération jiir devenait tellement facile à monter que les responsables ne pouvaient hésiter une seconde. Partout ailleurs, ils auraient été obligés de compter avec les incessants contrôles de la police comme avec la sournoise activité des Services de Contre-espionnage. En outre, l’approche du vaisseau, sa mise en orbite et le largage de la chaloupe auraient été repérés par les radars, tandis qu’ici les surveillances spatiales aériennes sont tenues pour contraires aux principes de la libre circulation des citoyens. C’était du tout cuit… Pour un peu j’aurais presque redouté qu’ils débarquent une division entière au lieu de cinq agents ; vous n’y auriez vu que du feu. Quant aux regrettables incidents qui ont précédé le dénouement de l’affaire, ils n’ont concerné que trois personnes. Ma nièce, et là j’ai eu vraiment très peur. Ensuite Aldren, mais il n’est pas anésien. Enfin votre chef inspecteur, mais courir des risques fait partie de son métier, non ? De toute façon il agissait de sa propre initiative et non sur vos ordres. C’est quand même lui qui a mis le point final ; même au prix d’une jambe cassée et d’un rov démoli, ce n’est pas cher.

— Waldo a entièrement raison, enchaîna Aldren. Entre nous, commissaire Nils, avouez que ce qui vous rend maussade n’a rien à voir avec un prétendu désordre ; rien n’a vraiment troublé la vie heureuse de votre belle cité. Ce qui vous navre, c’est que, si j’avais pu récupérer le dossier de l’invention et que ses légitimes propriétaires soient morts, je m’étais engagé à céder à votre administration une partie des royalties. Pas d’invention, pas de redevances… Dommage, pas vrai ?

Nils haussa les épaules sans répondre. Karyl, de son côté, poussa un profond soupir, se leva pesamment.

— Tout est donc bien qui finit bien, émit-il lugubrement. En tout cas je ne suis pas prêt d’oublier cette histoire… Commissaire, j’ai une requête à formuler. J’ai droit à un congé de convalescence, n’est-ce pas ? Je vous demande de me l’accorder dès cet instant. Un changement d’air me fera du bien ; je reprendrai mon service dès que je serai rétabli…

— Mais bien sûr, mon cher ami ! Prenez tout le temps que vous voudrez. J’espère bien que notre existence va reprendre son train-train quotidien après ce bouleversement imprévu. Votre secrétaire assurera facilement la routine…

Le chef inspecteur remercia poliment, serra les mains tendues, claudiqua vers la porte. Le son du moteur de son ramp s’éloigna vers l’entrée du domaine, s’éteignit.

— Je crois que vous pouvez songer à lui désigner un successeur, déclara posément Aldren. Karyl ne reviendra jamais prendre son poste…

Contrairement à ce que prévoyait le « trouble shooter », Nils ne sursauta pas. Il se contenta de fixer Aldren avec un demi-sourire, haussa les épaules.

— Allez-y, murmura-t-il. J’ai dépassé le seuil des émotions et plus rien ne peut me surprendre. Possible aussi que mon inconscient rouillé se soit remis petit à petit à travailler. Il aurait été préférable qu’il le fasse plus tôt, par exemple lors de l’inexplicable enlèvement de mon adjoint, n’est-ce pas ?

— Mieux vaut tard que jamais. Il est évident que, comme je l’avais d’ailleurs supposé alors, votre adjoint s’était anesthésié lui-même à bord du rov après l’avoir programmé pour un rapatriement par un itinéraire détourné. C’était ce qu’il avait imaginé sur le moment après sa découverte du cadavre dans la cabane. Celui qui avait liquidé cet espion jiir ne pouvait être autre que ce fameux Max, et Karyl ne tenait pas à avoir affaire à un homme qui n’hésitait pas à tirer le premier. Se mettre momentanément hors circuit en passant lui-même pour une victime était la meilleure solution. D’autres agiraient à leur tour et sa responsabilité serait dégagée.

— Continuez.

— Malheureusement rien ne s’était passé quand il s’est réveillé. Vancia et moi avions sans dommage passé la nuit dans le chalet du lac dont il n’ignorait pas l’existence ; les Jiirs survivants devaient être eux-mêmes en train de se concerter ; ils n’osaient plus bouger, le sens de cette manœuvre leur échappait et ils attendaient de nouvelles instructions. C’est alors que Karyl, voyant que tout était au point mort, a eu l’idée de nous renvoyer là-bas tous les deux pour les attirer. Excellente occasion pour se débarrasser de moi qui devenais un peu trop gênant et capturer Vancia ; son frère ne manquerait pas de venir à son secours. Max tomberait dans le piège ainsi tendu et il donnerait les précieuses formules en échange de la vie de sa sœur bien-aimée. L’ennui était que non seulement je n’étais pas mort mais que par-dessus le marché, c’est le troisième Jiir chargé de l’opération qui a trépassé lors de notre petite altercation. Désormais le désastre était inévitable puisque non seulement j’avais survécu, mais j’avais pu identifier la race de mon adversaire. En plus, je savais que le nid n’était pas loin, un véhicule tout-terrain chenillé ne parcourt pas de grandes distances en peu de temps ; la base des espions ne pouvait se situer qu’environ à mi-distance entre le lac et Anésia. Conformément à la règle absolue en pareil cas, Karyl n’avait plus qu’une chose à faire : abattre lui-même les deux derniers agents. Ils seraient vite pourchassés et il ne fallait pas qu’ils parlent. Je reconnais que c’est un type courageux : arriver à bord d’un rov de la police sans avoir émis de signaux de reconnaissance équivalait presque à un suicide, mais au point où il en était… Il a eu de la veine de s’en sortir et il a fait ce qu’il devait faire avec le soulagement que nous devinons. Non seulement il n’y avait plus personne qui puisse raconter quoi que ce soit, mais il faisait figure de héros. L’affaire était ratée mais il serait toujours là s’il fallait recommencer dans de meilleures conditions…

— Donc Karyl, que je connais depuis dix ans, était des leurs ? soupira Nils.

— L’agent sur place, le précieux collaborateur « en sommeil » que l’on ne réveille que lorsqu’on a besoin de lui. Il était informé de toute l’opération avant qu’elle ne commence. Toutefois son boulot exigeait qu’il ne s’en mêle pas directement ; le jeu est classique. Bien entendu il avait une liaison radio codée avec les spécialistes débarqués ; il savait où ils se trouvaient. Il était du reste prêt à recommencer avec d’autres. Seulement, ce qui lui a porté le coup de massue final et l’a décidé à abandonner sans retour la partie, c’est l’aveu de Waldo. La formidable invention n’existe pas ! Alors à quoi bon continuer ? Sans compter qu’il se doutait bien que j’y voyais trop clair et que de véritables ennuis allaient bientôt lui dégringoler sur le crâne.

— Je vais immédiatement donner l’ordre à l’astroport de l’arrêter dès qu’il tentera de prendre passage à bord d’un liner ! s’exclama Nils. Le petit salopard !

— Gardez-vous-en bien ! Naturellement il va s’empresser de filer loin d’Anésia, mais ce ne sera que pour regagner l’Empire Jiir. Expliquer à ses chefs qu’il ne faut plus monter d’autre expédition contre Waldo ; l’invention n’était que du vent, comme vous disiez… Souhaitons plutôt à Karyl un bon voyage…

* *
*

— Toutes mes félicitations ! fit Waldo après que Nils eut à son tour pris congé. Je vous avais bien jugé. Voir si vite et si clair dans une histoire que j’avais pris tant de peine à embrouiller !

— Je n’y ai que peu de mérite. Au départ je me refusais à admettre que vous vous soyez aussi bêtement laissé périr dans l’explosion de votre labo ; ça ne collait pas avec le genre d’homme que j’imaginais. J’avoue que j’ai passablement nagé avec cette histoire de frère jumeau que Vancia s’était si bien empressée de me confirmer, mais comme en même temps il était visible qu’elle me cachait pas mal de choses, j’ai bâti une autre hypothèse. Dès que j’ai eu la confirmation que le mystérieux Max n’était autre qu’elle-même, je savais à quoi m’en tenir. Vous étiez vous-même le meneur de jeu sous le déguisement du seul personnage à la fois très proche et très insoupçonnable : Borgar. Rideau. L’agent spécial a terminé sa mission.

— Tu ne vas pas repartir ! s’exclama Vancia en se dressant d’un élan.

Aldren contempla les immenses yeux verts tendus anxieusement vers lui, sourit, passa les bras autour de la taille de la jeune fille.

— Sûrement pas, mon amour. Surtout maintenant que je sais que tu es très riche… Tu m’inviteras dans ta belle maison ?

— Tu oses le demander ? D’ailleurs, reprit-elle avec une ombre de tristesse, je me doute bien que tu me quitteras un jour ; tu es encore plus amoureux de l’aventure que moi.

— À moins que ce soit toi qui te lasses de moi la première… Tu es trop belle et trop sensuelle pour t’attacher longtemps à un homme ou à une terre alors qu’il y a tant d’étoiles dans le ciel…

À la fin du dîner, alors que les amoureux se préparaient à le quitter pour gagner leur nouveau nid, Waldo prit un instant Aldren à part.

— Je ne vous demande qu’une chose, Aldren, c’est de ne jamais rendre ma filleule malheureuse. Je sais bien que vous êtes de la même race et que votre destin vous entraînera toujours vers de nouvelles chasses ; je sais aussi que Max tient de ma sœur, sa mère, et que si vous êtes son premier amour vous ne serez pas le dernier ; mais en attendant, vivez tous les deux votre bonheur. Autre chose avant de vous souhaiter bonne nuit : vous êtes, entre autres, un agent du Service Secret des Forces Spatiales, n’est-ce pas ? Un de ces jours, quand vous en aurez le temps, envoyez-leur donc le paquet qui se trouve dans mon coffre numéroté 13 285 à la Banque du District Central. C’est le dossier complet de l’invention que vous êtes venu chercher ici. Elle est tout ce qu’il y a de plus réelle, mon cher neveu, ce n’était pas une blague…